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mardi 23 août 2016

Le résultat du placement interculturel porte la semence de l'aliénation de soi

Pour les enfants du Grand-Nord blanc, une autre solution que le placement doit être mise de l'avant. Quelle que soit la solution utilisée, elle ne doit pas provenir de l'idéologie actuelle. Les enfants ont besoin d'être en sécurité, mais ils ont aussi besoin d'être parmi leur peuple.

En 2014, j'ai rencontré Mark, un jeune Inuk au magasin général des Cantons de l'Est. Mark savait qu'il était Inuk, mais ne savait pas la communauté dont il provenait, pas même les noms de ses parents. Et il ne parlait pas l'inuktitut. Mon sentiment qu'il avait été dépouillé de son identité était rattachée au souvenir d'une petite fille qui aurait pu avoir le même sort, n’eussent été que ses parents ne se soient déplacés vers le Nord pour obtenir les papiers d'adoption quand, à six ans, elle devait entrer à l’école.



Bien sûr, chaque histoire est unique, mais le résultat, bien que différent pour chaque enfant, porte les germes de l'aliénation de soi-même.

Ma rencontre avec Dolores était inhabituelle dans le sens où nous étions toutes deux sur notre départ d'un établissement et invitées à sortir aux portes de sortie. Il y eu un moment de malaise, où ne sachions ce qui allait se passer. Nous nous sommes finalement assises et après avoir échangé pendant quelques minutes pour lui parler de mon but, j’ai pris ces notes sur son histoire.

À 75 ans, Dolores, une femme articulée de la Nation Lil'wat Nation, ne vit pas sur une réserve. Elle a un compagnon qui ne la tire pas vers le bas, même s'il est coincé dans le passé. Dolores m'a raconté un peu de son histoire et je tiens à informer mes lecteurs du coût associé à d'être placé dans une autre culture. Je pense que c’est une nourriture intéressante pour l’esprit.

J'ai rencontré Dolores à la fin d'une longue et chaude journée. Il aurait été agréable d'être près de la piscine, il faisait tellement chaud. Mais nous étions dans une bibliothèque, recherchant la fraîcheur de leur air conditionné alors que nous allions bavardé sur les conditions de vie dans les communautés autochtones. Je traduis ce que Dolores m’a dit en espérant respecter l’intention de son discours de façon intégrale.

«J’ai été enlevée à ma famille et de la communauté de Whistler quand j'avais deux ans et j’ai été mise en adoption un an plus tard; des informations avaient été falsifiées dans mon fichier CAS. Mon père avait été désigné comme étant «un huitième Indien». Élevée dans un milieu urbain, j'ai grandi avec une soeur dans une famille blanche et je me suis considérée blanche jusqu'à l'âge de 23.

Outre le fait que je bronzais bien l'été, nos parents ne faisaitent aucune différence entre nous. Ma mémoire de cette famille est celle d’une famille émotionnellement intense. Je me suis sentie acceptée et aimée néanmoins. Je participais à l'église, la musique, et les guides deu mouvement scout faisaient partie de nos vies.

Aujourd'hui, je reconnais la violence dans la famille, mais j’ai eu tellement de relations violentes à travers ma vie d'adulte, celle de la famille ne m'a jamais impressionné beaucoup. Il y avait un pattern de violence domestique envers nous, les filles, qui ont été couvertes de honte alors qu’on nous criait après souvent.

Mais pour moi, la vraie violence est plus sur ce que ma famille m’a caché. Ils n'appellent pas ça mentir, ils n’ont jamais parlé de ce sujet. Ces parents bien intentionnés coopéraient au processus d'assimilation par leur besoin urgent d'aider un enfant pauvre, me préservant de me retrouver sans abri, toxicomane ou psychologiquement marquée.

A 23 ans, je n'avais jamais entendu ma langue parlée, et je n’avais aucune information sur ma culture spécifique. Ce que je comprenais, c’était, que, fondamentalement, j'avais grandi dans un système qui me disait de ne pas exister, sauf comme un objet à être programmé dans la société dominante.

Quand je découvris enfin la vérité, j’ai commencé à chercher ma mère. Au début, c’était positif et très enrichissant parce que ma mère m'a présenté à ma Nation perdue et à ma grande famille, mais dès le début de la relation, c’est devenu clair qu'il y avait un fossé "plus grand que les montagnes qui nous séparaient". Mes deux enfants avaient encore plus loin à aller pour rejoindre l’«autochtonie», leur père étant blanc. Mon éducation blanche représentait un obstacle majeur et nous avons cessé de nous visiter.

Dolores était tellement blessée qu'elle se sentait déchirée. Elle a ensuite essayé de tendre la main à son père, mais il était mort quelques années auparavant, mort grâce à la boisson.

A partir de là, j'ai essayé de reconstruire ce que je pensais que j'aurais été, mais c’était une tâche impossible. Il a fallu des années de deuil et des larmes de désolation avant que je ne sois en mesure de laisser aller mon désir de parler la langue dans laquelle je suis née et d’agir comme mon peuple. Je ne pourrai jamais apprendre tous nos protocoles et les maîtriser.

Cette quête en spirale a mené à des comportements dangereux, à boire beaucoup et généralement à être désagréable à ma famille adoptive. Des mois de maladie et une dépression suicidaire, elle a été dominée par la douleur qu'elle ressentait et elle a mis sa vie en danger.

Je me suis sentie "coupée en deux Dolores différentes: l'une à la maison avec ma famille blanche, l'autre travaillant dans un organisme autochtone. Mon mariage a pris fin puisque mon mari était incapable d'accepter ou de comprendre cette femme sauvage. Lorsque je passais en mode "blanc",  j'oubliais les protocoles et mes amis autochtones peinaient à me reconnaître mettant mes nouvelles amitiés autochtones en danger.

Une vie pleine de «premières» m'a probablement sauvée. J'ai appris à faire du travail de perles, des paniers d'aiguilles de pin, de prendre part à des powwows, en essayant de rattraper 23 ans d'identité autochtone. Fâchée au sujet de la perte de ma culture autochtone, je pleurais et rejetais la direction blanche qu’on m’avait donné comme enfant.

Mais, culturellement, j’étais confuse. Pendant six ans, je me suis promenée dans un état de deuil déroutant. Finalement, grâce à une cérémonie, tout en apprenant à jouer du tambour, j'ai trouvé une sorte de paix et apporté un tout nouveau sens à être autochtone dans tous les niveaux de mon corps, de mon âme et de l'esprit ".

Le clivage provoqué par cette rupture d'identité a causé une douleur intense à cette femme jusqu'à ce qu'une aînée lui apprenne une leçon puissante. Déjà dans la 40taine, l’aînée lui a donné un précieux conseil lors d'une cérémonie. Elle m'a dit que "les gens peuvent essayer de vous faire du mal, mais ils ne peuvent pas changer qui nous sommes». Depuis ce moment, Dolores a commencé à croître.

«Bientôt, il y aura une réunion de réconciliation dans notre ville et il y aura aussi la possibilité de jouer du tambour durant les événements. Je prévois faire environ 40 paniers d’aiguilles de pin-pour remettre en cadeau à des parents qui y participent ".

L'histoire de Dolores est pas unique. Au lieu d'être à la maison avec leurs parents, frères et sœurs, des dizaines de milliers d'enfants des Premières nations sont dans des foyers d'accueil, chez des parents éloignés ou vivant dans des institutions (2011 statistiques).

Le but du projet, « Aucun enfant ne devrait faire un détour pour retourner chez lui », dans son but final, suite à l'implantation des maisons-refuge ou de répit, est d'habiliter les mères des communautés du Nunavik à prendre soin de la sécurité de leurs enfants, à prendre conscience de leurs droits légaux, à comprendre les facteurs de risque qui conduisent aux dispositions de la loi de protection de leurs enfants.


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